Par une politique inconséquente Londres et Washington ont livré la Roumanie aux Russes

La Liberté 2 septembre 1947

 

La tardive ratification des traités de paix par l'URSS donne tout son sens à la purge sensationnelle à quoi elle soumet ses satellites. On achève de mettre en place les régimes totalitaires qui succèderont à ses armées. En Bulgarie, en Pologne, en Hongrie, la chose est pratiquement faite.

En Roumanie reste le cas du roi Michel dont nous avons déjà parlé. On n'ose pas le chasser. On ne parvient pas à le compromettre. Alors on tâche de lui enlever tout pouvoir. Juridiquement, le roi conserve de larges attributions que lui octroient la Constitution de 1944. Une seule restriction, les pleins pouvoirs de la commission ministérielle chargée du redressement économique et de la stabilité monétaire.

Il n'en va pas de même sur le plan pratique. En premier lieu, on sèvre le roi de toutes informations. C'est ainsi que la Cour ne peut se faire communiquer les notes diplomatiques. De même le roi Michel ne sait jamais rien de toute affaire où sa signature n'est pas requise. Quand sa signature est nécessaire, on ne lui présente la pièce qu'à la dernière minute. Sa résistance est ainsi reportée au dernier stade le moins efficace. Si le roi refuse pourtant d'homologuer les décrets du président Groza, on tourne la difficulté : on fait voter une loi par le parlement, à l'unanimité bien entendu, et le roi n'a plus qu'à s'incliner.

Mais surtout on a pratiquement dépossédé le roi de sa prérogative essentielle : le pouvoir de nommer et de révoquer les ministres. Et c'est ici que l'affaire est intéressante car elle montre tout l'inconséquence de la politique anglo-saxonne au Proche-Orient.

En effet, le roi Michel avait chassé le président Groza, usant ainsi de son droit constitutionnel. Les Russes protestèrent, ce qui ne surprendra personne. Mais dans cette affaire, M. Vichinsky obtient le concours de M. Harrison  et de Lord Inverdrapel. ces deux derniers pressèrent le roi de céder. Maintenant Londres et Washington multiplient de vaines notes pour sauver Maniu et ses agrariens. Mais en abolissant de leur propre main la résistance royale roumaine, ces gouvernements n'ont-ils pas préparé la voie aux excès qu'aujourd'hui ils déplorent.